Suis-je une bonne mère?
Une amie m’a récemment posé cette question et cela m’a fait réfléchir. Je ne connais pas une jeune maman qui ne doute pas d’elle-même au moins une fois par jour. Je ne connais pas une maman d’ados qui ne se la pose pas régulièrement...
Voici donc ma réponse à cette question après 19 ans d’exercice du rôle le plus difficile et le plus gratifiant de ma vie : être maman. Elle vient de ma propre expérience et elle est loin d’être une réponse unique ou universelle. A chacun de trouver sa propre définition.
Ma première et plus courte réponse est invariablement OUI. Oui, vous êtes une bonne mère. Pourquoi ? Parce que vous êtes la seule que votre enfant aura. Peu importe si c’est votre enfant de naissance ou d’adoption. Vous êtes sa maman et il n’en aura pas d’autre. Donc non seulement vous êtes la bonne, vous êtes même la meilleure.
Pour celles qui veulent pousser la réflexion plus loin, je pose habituellement ce genre de questions dans mon travail (et je me les pose régulièrement à moi-même) :
1. Votre enfant se sent-il aimé ?
La réponse est habituellement: “ C’est évident que j’aime mon enfant ! ”. Mais cela ne répond pas à ma question. Votre ENFANT se sent-il aimé ? Il ne fait aucun doute que nous aimons nos enfants plus que tout. Cependant à leurs yeux, notre comportement, nos exigences, nos rabrouements et notre mécontentement sont parfois vécus comme un manque d’amour. Une conversation ouverte et aimante sur le sujet peut être utile. Il est important de faire comprendre à l’enfant dès son jeune âge qu’on peut lui dire « Je t’aime »... mais aussi « je n’apprécie pas ce que tu fais en ce moment » sans remettre notre amour inconditionnel en question.
2. Faites-vous confiance à votre enfant?
Les parents se plaignent souvent du manque de confiance en soi de leur enfant. A ma question : “Et vous, faites-vous confiance à votre enfant ?” la réponse est dans 90 % des cas “Mais non, comment pourrais-je lui faire confiance quand il.....” Sachez que si VOUS, sa maman (ou son papa), c’est-à-dire la personne qui sera toujours là, à le protéger, à l’accompagner sur son chemin, à le supporter, si VOUS, vous ne lui faites pas confiance, personne d’autre ne le fera et encore moins lui-même. C’est tout simplement surhumain. Imaginez que vos parents doutent de vous, que votre époux doute de vous, que vos collègues ou patrons se moquent de vous... aurez-vous confiance en vous et en vos capacités ? Si vous voulez vraiment faire un beau cadeau à votre enfant, faites-lui confiance. Peut-être va-t-il échouer, mais avec votre confiance il va se relever. Peut-être va-t-il vous décevoir une fois ou deux, mais à un moment, il comprendra combien vous comptez sur sa capacité de vivre une vie intègre. Il y aura toujours des exceptions, mais sans confiance de votre part, son chemin vers sa propre confiance va être bien plus ardu. Le truc : demandez-vous si vous-même avez confiance en vous ? Souvent le changement commence par soi...
3. Votre enfant a-t’ il le droit à l’erreur?
Je considère que le plus gros travers du système éducatif français est la sanction de l’erreur. On dirait que toutes les énergies sont consacrées à la traque impitoyable de la faute. Chouette ! On l’a trouvé et donc on la sanctionne. Il faut faire mieux ! Cette façon de faire est très destructive pour OSER quelque chose de nouveau, pour s’exprimer librement, pour assumer l’erreur comme une étape inévitable pour grandir. Grondiez-vous votre enfant à chaque chute lorsqu’il apprenait à marcher ? Non. Vous l’avez aidé à se relever et l’avez encouragé à recommencer. A l’école comme dans la vie, c’est exactement la même chose : si on a peur de tomber, on n’apprendra pas à marcher, à courir, à faire du vélo, à faire du ski... Si on a peur de ne pas réussir parfaitement du premier coup, on n’apprendra pas à manger avec un couvert, à nager, à parler une langue étrangère, à chercher une nouvelle adresse... Alors apprenez à votre enfant à profiter de ses erreurs pour voir comment s’améliorer. Souvent, les échecs nous apprennent davantage que les réussites. N’ayez pas peur des vôtres, avouez-les, et faites mieux la prochaine fois, votre enfant aura le courage et la sagesse de faire pareil. Cela ne peut qu’augmenter sa confiance en soi et en vous.
4. Votre enfant a-t’ il le droit de choisir ?
Je ne vais pas vous décrire le nombre d’enfants qui m’ont dit qu’ils choisissent leur université pour faire plaisir à “maman et papa ; qui choisissent leur langue vivante “parce que maman a dit que...”. Je l’avoue, j’ai fait pareil. Je leur ai même souvent demandé leur avis puis les ai manipulés en douceur pour faire ce que j’avais déjà décidé (sauf en ce qui concerne leurs études supérieures, mais pour les camps d’été d’espagnol à Barcelone ou pour les cours du golf). Il est normal de vouloir faire partager à nos enfants ce que nous aimons ou ce que nous considérons comme important. Nous devons pourtant nous assurer que l’enfant a le droit de dire NON et qu’il peut choisir ce que son cœur lui dit. Surtout s’il a plus que 13 ans et qu’il est temps pour lui d’apprendre à assumer ses choix... et réaliser éventuellement son erreur !
5. Votre enfant est-il respecté?
Je suis souvent étonnée d’entendre les professeurs d’école se plaindre d’un manque de respect de la part de leurs élèves. De par notre vie d’expatriés, nos enfants ont fréquenté des établissements scolaires privilégiés par rapport à certaines écoles publiques dans les quartiers “difficiles” en France. Les parents y étaient souvent des cadres supérieurs ou issus du corps diplomatique. Ils étaient très (voir trop) impliqués dans la vie de l’école et de leur enfant. Et pourtant... j’ai retrouvé un jour mon fils de 3 ans assis sur une chaise au fond de la classe sans bouger. L’institutrice m’a tranquillement expliqué qu’il était puni et était “à la poubelle”. Ce fut la première fois que je suis allée dans le bureau du proviseur pour lui expliquer, bien moins tranquillement, que mon enfant n’est pas un déchet. Je ne savais pas encore que ce n’était que le début d’une longue série de visites dans les bureaux de proviseur tout autour du monde. Les remarques du style : « on espère que vous allez réussir votre Bac car on ne veut plus voir ici »... ou « Allez vous plaindre à maman »...ou « Vous êtes une classe des cons »... « On en a marre des gosses qui ont tous un iPhone à 10 ans »... sont courants.
J’ai souvent expliqué à mes enfants que c’était un manque de respect, voire un abus verbal. Mais je ne vaux pas mieux. Je me surprends régulièrement à m’écrier “Use your brain!” (Utilise ton cerveau). Mais voyons ! Est-ce que moi j’accepterai qu’on me parle ainsi ? Non. Alors je ne vais pas le faire à mes propres enfants. Sinon, ne soyons pas étonnés, les parents, les professeurs et les adultes de tous azimuts, que les jeunes ne nous respectent pas non plus. Ils ne reflètent que notre propre attitude. Alors si vous voulez un enfant respectueux, respectez-le d’abord vous-même.
6. Donnez-vous à votre enfant les moyens de développer son potentiel?
Cela m’a toujours paru tellement évident de donner du temps et des moyens pour que ses enfants puissent essayer et explorer tout ce que la vie nous a offert que je n’ai réalisé que tardivement que pour beaucoup de parents ce n’est pas la même évidence. Quand je parle de moyens, ce n’est pas seulement de leur payer des cours de ceci ou de cela. Il y a des parents qui tout simplement ne veulent pas donner le meilleur à leurs enfants car ils considèrent « qu’ils ne le méritent pas » ou ils ont trop peur de lâcher prise et le contrôle : tu ne vas pas étudier à l’étranger ; tu n’iras pas tout seul en vacances ; tu ne vas pas faire de guitare, etc...
C’est une chose de ne pas avoir les moyens financiers, c’en est une autre que d’utiliser sa position de parent et son pouvoir sur l’enfant, voir sa propre peur, pour entraver leur plaisir d’explorer, d’apprendre et de gagner en autonomie. La prochaine fois que vous direz NON à votre enfant sur une suggestion d’activité ou d’un pas hors de sa zone de confort, demandez-vous s’il s’agit vraiment de l’enfant ou de vous-même. Car “nos enfants ne sont pas les nôtres...” comme dit le poète et le devoir le plus important du parent est de préparer son enfant à vivre épanoui, confiant, responsable et libre en dehors du nid parental.
7. Votre enfant est-il indépendant?
Si vous avez répondu OUI aux questions précédentes, la réponse à la dernière question est OUI également. Si vos réponses sont majoritairement négatives, réfléchissez à ce que vous souhaitez VRAIMENT pour vos enfants : être comme VOUS voulez ; vivre comme VOUS voulez ; faire ce que VOUS voulez, ou bien devenir des hommes et des femmes indépendants, autonomes, ayant confiance dans une vie pleine d’imprévus auxquels ils sauront faire face ?
Le témoignage aujourd’hui de mes 3 enfants dont deux ne vivent plus avec nous est que, pour eux, le plus important est de se sentir aimé et d’avoir appris à se débrouiller, avec la confiance de leurs parents. Ma fille ainée est partie à 17 ans vivre seule dans un studio en République tchèque et fut la plus jeune étudiante en médecine de la faculté. Mon fils a décidé également à 17 ans de rester seul à Dublin, dans une famille d’accueil, pour passer son Bac et de ne pas rentrer avec nous à Paris. Le plus jeune a 14 ans et il reste encore du boulot à faire. Mais on est sur la bonne voie :)
Si après les points 1-7 vous ne vous sentez pas à l’aise, relisez le début de l’article. Ce qui compte le plus : vous êtes LA maman de votre enfant, la meilleure. Pour toujours. Vous êtes humaine, avec vos forces et vos faiblesses, avec des moments bien et des moments moins bien, et nous toutes faisons ce que nous pouvons pour le mieux. Et c’est déjà vraiment beaucoup !